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mercredi 26 janvier 2011

Les annélides "polychètes"

Les polychètes (prononcez "polikète") de poly=plusieurs et chaetae=soie sont des annélides avec des soies développées. Mais, lecteurs attentifs, vous me direz que c'est de toute façon ce qui caractérise les annélides. Ben oui, c'est pour ça que le groupe des polychètes est mal définit, c'est un groupe très certainement paraphylétique (quelques discussions persistent). En effet, on parle des polychètes en opposition aux annélides dont les soies sont très courtes voir perdues (je parlerai d'un de ces groupes dans l'article suivant), la présence de plusieurs soies est donc un caractère partagé chez tous les annélides bien que certains annélides les aient perdus! Pour plus de développement sur cette pirouette classificatoire allez voir l'article sur la phylogénie.

Les polychètes ont un grand nombre de morphologies et de modes de vie très différents.
On les sépare usuellement en deux modes de vie: polychètes errantes qui se déplacent activement et les polychètes sédentaires qui ne se déplacent pas ou très peu.
Chez les polychètes errantes on distingue des polychètes benthiques (c'est à dire vivant au fond) et des polychètes pélagiques (c'est à dire vivant entre le fond et la surface). La plupart des polychètes errantes sont des prédateurs avec des organes sensoriels très développés comme des cires (organes en forme de tentacules) qui permettent de toucher l'environnement et des yeux. Les mâchoires, parfois chitineuses (durcies) en forme de mandibules peuvent êtres assez puissantes et parfois même déversent du venin. J'ai d'ailleurs taquiné une fois un polychète pour qu'il me morde et effectivement y'a de la force dans ces petites mâchoires. Heureusement, il était petit. Alors? Vous attendiez vous à ce que des cousins des vers de terre soient de terribles prédateurs? Les polychèrtes errantes ont, pour beaucoup d'entre eux, sur chaque métamère des "parapodes". Ce sont des formes d'extensions qui font offices de petites papattes ou nageoires pour se déplacer. Les parapodes portent des soies. Souvent, la métamérie des polychètes errantes est homonome.
Et chez les polychètes sédentaires il y a deux grands types: les tubicoles et les fouisseurs. Les fouisseurs vivent dans le sédiments: ils creusent le sable ou la vase et d'y logent. Les tubicoles vivent dans des tubes qu'ils secrètent. Souvent leur métamérie est hétéronome.

Toutes ces distinctions, vous l'aurez compris sont justes descriptives et ne sont pas phylogénétiques. Je vais maintenant essayer de vous présenter quelques types d'annélides particuliers:

Commençons par les annélides polychètes sédentaires:

-L'arénicole est une annélide bien connue des étudiants et des pêcheurs. Cette annélide qui peut atteindre plusieurs dizaines de centimètre est fouisseuse. Elle vit dans un tube en J. L'anus étant proche de la surface et la bouche plutôt vers le bas du tube, notre amie l'arénicole créé un courant d'eau et va ingérer les particules de sable. Elle va alors se nourrir des particules organiques déposées sur le sable et rejeter le sable en faisant des petits monticules en forme de heu... Troubidious... C'est ce qui me vient à l'esprit comme mot...

Les annélides: les polychètes

A gauche une arénicole, à droite les traces d'une arénicole avec à gauche la dépression créée par l'absorption du sable et à gauche le troubidiou créé par le rejet.

-Les sabelles et serpulides. La sabelle vit dans un tube formé de sable aggloméré dans du mucus. Les serpulides, que l'on trouve souvent sur les coquilles d'huitres ou sur tout autre support solide, vivent dans des tubes en calcaire. Les sabelles portent des tentacules autour de la bouche appelées radioles. Ces radioles sont en forme de peignes, on dit qu'elles portent des pinnules. Ces structures vont permettre de créer des courants d'eau facilitant le transport et la prise des particules alimentaires en suspension dans l'eau. Les particules vont êtres acheminées des pinnules aux radioles. Des sillons de taille différentes vont acheminer alors les particules de taille différente et les trier: les petites vont être ingérées, les moyennes utilisées pour le tube et les trop grosses, c'est pas bon, faut les rejeter (faut dire que ces délicats vers ont la fine bouche). Ces timides animaux cachent leurs panaches dès qu'ils sont inquiétés. Comme ceux dans Avatar (voir article précédent), quelle imagination ce James Cameron!

-Les terebellides ont une toute autre stratégie. Ces polychètes se logent dans le sédiment soit en creusant un tube, soit en se logeant dans un tube permanent (comme quoi la distinction entre "fouisseur" et "tubicole" n'est pas bien nette! Seule les distinctions phylogénétiques sont non ambigües! Comment ça je dis ça seulement parceque je suis cladiste? bon, oui, un peu...). L'annélide étend ses tentacules directement sur le sédiments et va acheminer les particules jusqu'à sa bouche. En cas d'embêtement, les tentacules peuvent être rétractés.

Les annélides: les polychètes

A gauche les tentacules d'un térébellide. A droite le magnifique panache d'une sabelle.

Passons maintenant aux annélides errantes:

-L'adorable aphrodite ou souris de mer est une annélide errante qui ressemble à une adorable boule de soies (ben oui, "poil" c'est réservé aux mammifères). Mais ce n'est pas tout, ses soies reflétant la lumière prennent des reflets bleu ou vert très jolis. Cet animal à l'aspect paisible et à l'air adorable est en fait un terrible prédateur qui peut s'attaquer à d'autres polychètes parfois plus grosses qu'elle.

-Les vers de feu d'autres polychètes errantes benthique. Certaines sont urticantes et portent des couleurs chatoyantes d'où le nom "vers de feu". Ce sont des prédateurs. Je vous en parle surtout parceque ce sont des animaux somptueux.

Les annélides: les polychètes

A gauche une aphrodite, à droite un ver de feu.

-Le genre Tomopteris, une forme errante et pélagique cette fois ci. Prédateurs de plancton. Ces animaux doivent avoir une grâce incomparable (les cténophores étant hors catégorie) lorsqu'ils nagent...

-Les vers à écailles, encore des prédateurs. Ce qui est interessant c'est les plaques qu'ils portent sur leur face dorsale appelées élytres. Hey oui! Comme chez les coléoptères! Bon, évidemment, ce ne sont pas des ailes modifiées mais ce sont aussi très probablement des plaques protectrices. Est-ce une convergence? De loin ça y ressemble! La question est de savoir à partir de quand parle t'on de convergence? Cet exemple (à mon sens) montre que la convergence est une notion arbitraire et donc dure à définir naturellement... Enfin, sur la notion de convergence il y aurait des tonnes de choses à dire!

Les annélides: les polychètes

En haut un ver à écailles (remarquez les élytres) et en bas un gracieux Tomopteris.

-Et pour finir, la surprise après tant de grâce, le Chaetopterus pugaporcinus que je surnomme le "ver obscène". "Chaetopterus" signifie "nageoires soyeuses", c'est un genre de polychètes, jusque là pas de problème. "pugaporcinus" par contre signifie "qui ressemble à l'arrière d'un cochon". En effet le nom vernaculaire de cette drôle de bestiole est "ver cul de cochon" ou "pigbutt worm"... Et un rapide coup d'œil rappelle effectivement quelque chose de ce genre. Quoi que l'on peut même interpréter ça encore differement... Mais je ne vous ferait pas de dessins (il y a la photo), à vous de faire marcher votre imagination! Je l'aurais trouvé adorable (avec ses formes boudinées) s'il ne me rappelait pas immanquablement d'autres choses avec usuellement une connotation moins adorable... Bref, passons les commentaires, avec lui on pourrait continuer longtemps... Malgré cette forme obscène on a bien une annélide. En fait l'étude de sa morphologie révèle sans trop d'ambigüité que le Chaetopterus pugaporcinus est très proche d'un genre de vers tubicoles très particuliers: les chaetoptères (prononcez "kétoptère"). Les chaetoptères ont une morphologie déjà très particulière avec une métamérie hétéronome très marquée. Les chaetoptères sont divisés en trois parties avec des segments spécialisés: antérieure, centrale et postérieure. Imaginez maintenant un chaetoptère "normal" dont vous raccourcissez la première partie, dont vous gonflez énormément le premier segment de la partie centrale, dont vous compressez les segments centraux restants et dont vous réduisez à un le nombre de segments postérieurs. Vous obtenez un truc en forme de bulbe dont les segments centraux compressés forment des cercles ovales en forme de lèvres (quoi? qu'est-ce que j'ai dit?). Voici les secrets de cette forme si étrange mais pas si étrange que ça finalement si on fait un peu d'anatomie. Le ver cul de cochon est pélagique, c'est donc une annélide errante. Notre obscène ver vit à plus de 1000 mètres de profondeurs. Il se nourrit de la neige organique: toutes les particules organiques venant de la surface et coulant vers le fond. Avec un "filet de mucus" (hey oui, on en finit pas... >_<) il va capter ces particules pour les mener à sa bouche. Ce mode de nutrition est similaire à celui des appendiculaires. Apparemment ils seraient bioluminescents (bon, là c'est dur d'avoir des idées mal placées...). En fait cette forme arrondie est due à un stress qui le fait se contracter, l'animal décontracté ressemble plus à une saucisse (ou à un petit boudin). Mais avouez, c'est bien plus rigolo de le voir en boule! Puis quelques mystères persistent quand même: on ne sait pas bien si cette forme est une forme larvaire ou adulte vu qu'il présente un mélange des caractères... J'aurais proposé de regarder le nombre de soies pour savoir mais chez les annélides c'est peut-être un peu différent...

Voici un article décrivant l'espèce: Description and Relationships of Chaetopterus pugaporcinus, an Unusual Pelagic Polychaete (Annelida, Chaetopteridae)

Les annélides: les polychètes

A gauche un Chaetopterus pugaporcinus et à droite un chaetoptère plus "classique". Remarquez les trois partie avec la partie antérieur finissant par une espèce de collier et la partie postérieure formée de segment petits et très resserrés.

Les annélides "polychètes" sont des:
-Bilatériens (On va toujours commencer par là maintenant, puisque dans le blog on ne parlera plus que de bilatériens)
-Protostomiens
-Lophotrochozoaires
-Eutrochozoaires
-Spiraliens
-Annélides

Les annélides: les polychètes

Finissons avec une des magnifiques planches d'Haeckel qui montre à quel point les polychètes peuvent inspirer les artistes...

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